...des Ténèbres...

Aux origines de la liturgie chrétienne, les Ténèbres sont avant tout associées au deuil et à la douleur des trois derniers jours de la Passion du Christ. L’Office des Ténèbres se termine traditionnellement après la tombée de la nuit, et voit ainsi toute lueur s’évanouir progressivement jusqu’au dernier cierge... C’est autour de cette pénombre que nous avons souhaité créer, après les anthems anglais de Music for a Queen : O Nata Lux, notre second programme sacré. Contrairement au premier, dédié exclusivement au répertoire des XVIème et XVIIème siècle, ce programme rassemble des œuvres allant de la Renaissance à nos jours, en passant par l’époque Baroque et l’entre-deux guerres au XXème siècle. C’est ainsi un office imaginaire traversant les âges que nous nous proposons de présenter, avec pour seule source de lumière des lampes individuelles, veilleuses éparpillées qui disparaîtront lentement lors du dernier chant...

Le cœur de cet office imaginaire est constitué de cinq Répons des Ténèbres ; conçues de façon dialoguée entre deux textes de même sujet mais de registre différent se répondant l’un à l’autre – d’où l’appellation de répons – ces pièces étaient souvent spatialisées en ce sens, et la dramaturgie leur est inhérente. Ici, il s’agit d’une mise en miroir de deux âges, à travers les figures de l’espagnol Tomas Luis de Victoria et de l’italien Carlo Gesualdo, polyphonistes du XVIème siècle, et les figures contemporaines du français Francis Poulenc et du polonais Paweł Łukaszewski ; deux époques, quatre façons de chanter la souffrance et l’abandon dans les Ténèbres... un anthem à 8 voix de Henry Purcell, Hear my prayer O Lord, aussi bref qu’intense, s’insère dans cet office des Ténèbres. Ses douloureux chromatismes évoquent un cri de souffrance au milieu du recueillement, tel un impulsif présage de l’abandon...

Mais parmi tant de noirceur, il nous tenait à cœur de rechercher la lumière. Ainsi, dans la pénombre ambiante, les quatre mouvements de la Missa Dolce de Philippe Mazé apportent une matière chorale délicate et simple, aux clartés fugitives. Les deux hymnes du compositeur russe Sergey Volkov – séminariste récemment ordonné hiérodiacre Denis – précèdent quant à eux les Ténèbres par des teintes angéliques et célestines. De même, les irisations harmoniques du motet O sacrum convivium d’Olivier Messiaen – composé moins d’un an avant le Tenebrae factae sunt de Poulenc... – illuminent doucement l’office finissant. Ces sources de lumière restent ambiguës, et leur parenté avec l’ombre est perceptible ; c’est bel et bien « des Ténèbres » que naît cette lumière, et c’est à elles qu’elle revient. L’Introït et l’Agnus Dei du Requiem pour double chœur a cappella du compositeur français Olivier Greif, dans ce sens, encadrent l’ensemble de l’Office, ainsi plongé dans les méandres d’un songe... « Hush, little baby don’t say a word », murmure la comptine lors de l’Introït ; « Will you wake him ? No, not I, for if I do, he’s sure to cry », finit-elle dans l’Agnus Dei.

Cauchemars incarnés ou frayeurs enfantines ? Les voix de nos ténèbres sont impénétrables...

Prologue :

2 créations de l’hiérodiacre Denis :

Lumière joyeuse, Sergey Volkov (né en 1987) Hymne des chérubins n°3, S. Volkov

Requiem : Requiem aeternam, Olivier Greif (1950-2000)

Missa dolce : Kyrie, Sanctus, Agnus Dei, Philippe Mazé (né en 1954) Timor et tremor, Francis Poulenc (1899-1963)

Hear my prayer, O Lord, Henry Purcell (1659-1695)

Tenebrae Responsories : Una hora, Tomas Luis de Victoria (ca. 1548-1611) Tenebrae Responsories : Aestimatus sum, T.L. de Victoria

Responsoria Tenebrae : O vos omnes, P. Łukaszewski

Tristis est anima mea, Carlo Gesualdo (ca. 1566-1613)

Tenebrae factae sunt, F. Poulenc

O sacrum convivium, Olivier Messiaen (1908-1992)

Missa dolce : Ave Verum, P. Mazé

Requiem : Agnus Dei, O. Greif