Ils viennent de Sheffield, il se sont pour la plupart rencontrés de façon peu glorieuse, les yeux bouffis, dansant seuls sur le dancefloor indie du Fuzz Club vers la fin de la dernière décennie. Cinq ans, une quarantaine de chansons et des centaines de concerts plus tard, The Crookes ne manquent ni de fans, ni de followers, ou d'amis qui leur veulent du bien, mais pourtant leur nouvel album Soapbox ne va pas les sortir de leur image de solitaires.

« le thème le plus évident qu'on retrouve tout au long de l'album c'est l'idée de l'outsider », dit le guitariste et parolier Daniel. « comme un groupe qui a l'air fait pour nous ... sans y être jamais invité, mais sans vouloir en être non plus. J'ai plus d'empathie pour le doux-dingue qui harangue la foule sur sa caisse à savon, gagnant son audience doucement mais surement en parlant avec passion et honnêteté. »

Poussant le rôle d'Outsider à son paroxysme, Soapbox a vu le groupe renoncer au confort de leur studio du South Yorkshire et embarquer tout leur matériel dans la nature sauvage des Alpes italiennes au début de l'hiver. « On a enregistré au sommet d'une montagne - presque littéralement dans les nuages - dans une très vieille chapelle dédiée à Saint Antoine », nous dit Daniel, « nous n'avons vu personne pendant des semaines (à part quelques chasseurs), ce qui nous a rapidement fait oublier le monde extérieur. Nous avons failli nous planter et mourir en essayant de convoyer notre matériel sur la route tortueuse qui mène à Valle di Preone, une route parsemée de monuments dédiés à ceux qui y ont laissé leur vie par le passé. Un soir, nous avons pris une photo de la chapelle et le lendemain nous avons remarqué qu'un crucifix renversé était apparu sur la photo - sans que l'on comprenne comment ... »

Si ces réjouissances étaient une aimable distraction, la sensation d'isolement du groupe se ressent dans Soapbox, un album jonché de sentences et d'incantations, de «Fools like us, we don't belong » dans When You're Fragile à « Don't you dare compare me to poster boy too thick to see the truth » dans le colérique et puissant single Play Dumb (sorti le 3 mars). Un de ces titres est appelé simplement et cruellement Don't Put Your Faith In Me, et comme une piqure de rappel ils jouent carte sur table dans Outsider « Everyone you love will leave you at the end".