LA TERRE TREMBLE !!! ~ Psyché
Cela fait maintenant dix ans que le trio La Terre Tremble !!! redéfinit à chaque nouvel album ses propres frontières, sa tectonique musicale intime, poursuivant sa quête obsessionnelle d’une musique chimérique et fourmillante de détails, illusionniste et délicatement chaotique, aussi évidente et mélodieuse que savante et sophistiquée. A défaut de pouvoir « arrêter le monde », les trois voyous expérimentateurs tendent toujours vers un particularisme un peu difforme et hors du temps, prenant le genre musical comme un cadre à transcender, et le son – qu’il soit électrique, acoustique ou électronique – comme matière première de constructions aurales précises, précieuses, aussi entêtantes qu’insidieuses. Leur nouveau disque s’appelle ’Fauxbourdon’, et qui sait, il vous faudra peutêtre autant de temps pour l’apprivoiser qu’il leur en aura fallu pour l’enfanter. Aujourd’hui donc arrive ce ‘Fauxbourdon’, soit un recueil de dix chansons à la fois douces et menaçantes, étrangement inquiétantes ou délicatement anxiogènes, scrutant l’ébullition d’une vie « s’écoulant en un mouvement toujours à la limite de l’explosion ». C’est d’ailleurs plutôt chez les Bodysnatchers de Don Siegel, mais aussi chez Friedkin, Peckinpah, Frankenheimer et Aldrich qu’il faut chercher les premières inspirations du groupe lors de la composition de ces chansons. Ce « faux bourdon » auquel ils font référence y évoque moins la basse continue en musique qu’un mystérieux bruit de fond englobant l’existence, une sourde rumeur inaudible à l’oreille nue, un fog invisible mais « toujours présent », comme un faubourg (pour jouer sur les mots) rêvé par John Carpenter, ou la rémanence sonore d’une explosion passée.
Cultivant l’évidence mélodique autant que l’expérimentation électro-acoustique, la présence pure autant que la dérive (des continents ?) imaginale, La Terre Tremble !!! semble nous chanter : « Less is more… but more is better », plus que jamais.
POWERDOVE ~ Folk Déraciné
'War Shapes’ est le 4ème album que signe Annie Lewandowski sous le nom de Powerdove. Cette instrumentiste formée à l’improvisation la plus savante, y écrit et chante de douces chansons inquiètes dont elle s’applique ensuite, en les soumettant à quelques perturbateurs de choix, à révéler chaque zone d’inconfort et de danger. Ainsi ses précédents disques invitaient-ils l’américain John Dieterich (Deerhoof, Gorge Trio, Colossomite) et le français Thomas Bonvalet (Cheval de Frise, L’Ocelle Mare) à organiser d’incomparables champs magnétiques au coeur même des mélodies, renouvelant de fond en comble la structure et la matière même de ce qu’on attend traditionnellement d’une pop-song.
Quelle expérience c’était alors pour l’auditeur que de s’attacher immédiatement à ces émouvants couplets dont la beauté familière ouvrait généreusement la porte à toutes les surprises, tous les débordements, tous les inouïs. C’est toujours le cas sur ce nouveau disque, enregistré au studio Chaudelande par Emmanuel Laffeach puis mixé à Liverpool par Adrian Riffo et Bonvalet lui-même. Aucun album de Powerdove n’avait cependant jusqu’ici sonné si brut, si naturaliste, si aéré. C’est que la méthode a un peu changé, les musiciens découvrant la plupart des chansons d’Annie pour la première fois au moment de les enregistrer, les arrangeant in situ, en prise directe avec l’instant, ce qui ajoute à l’ensemble une forme de spontanéité nouvelle, une liberté de jeu redoublée ainsi qu’une très féconde ambiguité instrumentale ouvrant grand l’imagination de l’auditeur qui ne sait plus qui joue quoi, ni même quel instrument il entend au juste, loin pourtant des mystères pré-fabriqués (créer de l’égarement et de la surprise avec netteté, sans le confort du flou n’est pas la moindre des qualités du groupe). Alors que la guitare de porcelaine ébréchée de Dieterich a disparu au profit des tapageuses papouilles que Chad Popple dispense aux percussions (batteries, vibraphone, glockenspiel) dans un dialogue vénéneux avec l’instrumentarium hétéroclite du toujours fidèle au front Thomas Bonvalet (banjo, concertina, petits amplis saturés, cuivres rafistolés, percus artisanales, installations diverses…), la grâce mélodique des airs que Lewandowski souffle comme des bougies par dessus ses modestes synthétiseurs semblent s’être intensifiée, précisée, le trait comme affiné. Et c’est avec un mélange de concentration extrême et d’abandon qu’on l’entend chanter ses faux haïkus tandis qu’aux alentour