Le visage ravagé et cabossé de ce presque septuagénaire raconte toute une vie, combattant au Vietnam, trimardeur, outlaw, truck driver, militant. Ce prolétaire qui se décrit comme « le plus lettré de tous les bluesmen » est effectivement bardé de diplômes universitaires et un exégète shakespearien au QI exceptionnel. Longtemps basé dans l’Oklahoma (le pays des Okies, de Merle Haggard et de Tom Joad) maintenant dans le Delta du Mississippi à Clarksdale (lieu de naissance du blues), il a sillonné toutes les « back roads » du continent, de « juke joints » en « honky tonks », distillant son mélange original de Blues et d’Americana, bousculant sa guitare « slide » à la manière de Jimmy Hendrix au service de textes conjuguant un sens confondant de la poésie et une conscience politique aiguë. « On peut dire que je suis un journaliste musical dans la lignée du bluesman louisianais Robert Pete Williams », clame-t-il à raison car ses chansons (même quand il s’agit de reprises) sonnent toujours autobiographiques. Durant trois décennies il pratiquera la musique en amateur éclairé, jouant notamment avec John Lee Hooker, Champion Jack Dupree, Henri Vestine, Bonnie Raitt ou Robert Cray. Dans ce tout dernier album, Watermelon Slim lance une superbe déclaration d’amour au Canada, ce grand pays limitrophe du sien dont il regrette que ses compatriotes le connaissent si mal. En témoigne son étonnante reprise de Barett’s Privateers, un chant de corsaire sur les souffrances d’un marin devenu l’hymne non-officiel canadien composé par le chanteur folk et héros national Stan Rogers. Un gentleman du blues à découvrir en urgence.