L’univers Tim Dup, c’est une ambiance piano-électro, volontairement paradoxale, dans laquelle il jongle entre fête et mélancolie. C’est un spleen rassurant, une sorte de refuge musical face aux choses éphémères. L’album « Mélancolie heureuse » est sorti fin 2017. Depuis, le chanteur est sur les routes. Sa tournée se termine le 5 décembre à la salle Pleyel.
Que pourrais-tu nous dire sur cette année 2018 ?
Il s’est passé plein de choses que je n’avais pas calculées. Ça fait deux ans et demi que je fais des concerts, mais ce qui me fait le plus plaisir, c’est d’en avoir autant fait cette année : environ 70 ou 75. C’est l’endroit ultime ! Ce que je retiens de 2018, c’est d’avoir trouvé mon public.
Qui t’a donné tes premières envies de musique ?
Ceux qui m’ont donné envie de chanter et d’écrire - en anglais au début – ce sont Les Beatles, Jack Johnson, Yael Naim, Jason Mraz… J’ai écouté plein de trucs mais, à l’époque, j’aimais bien le côté pop, l’aspect hyper mélancolique des chansons à l’eau de rose.
Pourquoi est-ce que maintenant tu chantes en français, à l’heure où beaucoup choisissent l’anglais ?
Je n’ai aucune légitimité à chanter en anglais : j’ai un accent de merde et ce n’est pas ma langue ! Parfois c’est plus facile parce que c’est plus mélodique. Mais je n’arrive pas à m’exprimer aussi spontanément et sincèrement. Puis, j’aime raconter des histoires, et le français s’y prête. L’enchaînement des mots, la dialectique me plaît bien.
D’où tiens-tu cette écriture si marquée ?
Je ne dirai pas que mon écriture est inspirée d’autres. Les artistes français m’ont influencé dans la façon de regarder et de s’inspirer plus que dans la façon d’écrire. Par contre, le monde, les chanteurs, les films m’inspirent, et c’est une accumulation de ça. J’essaye de faire en sorte que ce soit une écriture ambiante, c’est à dire qui intègre un regard.
Quelle est la recette pour faire des chansons qui parlent du quotidien (Ter centre), sans tomber dans un réalisme banal ?
Je n’en sais rien ! Je ne calcule pas. En revanche, je me refuse d’écrire si la bulle n’est pas prête à éclater. Il faut qu’elle soit suffisamment gonflée. J’ai écrit « Ter Centre » sur le trajet en rentrant de la fac. Pourtant, je prenais ce train depuis 4 ans ! Mais là, j’ai eu besoin d’écrire un texte sur ce qu’il se passait dedans. Cette chanson a été un vrai déclic dans la façon d’écrire, de ne surtout pas se contraindre ou rechercher l’inspiration. Il faut laisser venir le truc à soi.
Le voyage semble prendre une place importante dans tes chansons (Comme un écho, L’envol, Vers les ourses polaires).
Ça ne me lâche pas. C’est un des trucs que j’aime le plus. Plus je voyage, plus je doute, et plus je nuance mes convictions, la vision de la vie, ma culture, mon envie d’être, de me comporter. Le voyage est pour moi la source de la nuance. J’aime les gens nuancés ! Ça ne veut pas dire ne pas avoir de certitudes ou de convictions. C’est avoir conscience que potentiellement, personne n’a raison ou tort. J’aime l’idée de se confronter à de la différence. Plus je voyage, plus je me dis que j’aime ce pays et Paris. Mais en même temps, j’aime pouvoir le quitter régulièrement. Je trouve que c’est un pays assez pessimiste, un peu renfermé, un peu réac. Ça fait du bien de ramener d’autres idées et d’autres envies. Cette idée de voyage, ou plutôt de destination, est vachement présente sur l’album... Et ce que je suis entrain décrire va encore plus dans ce sens.
Tu es entrain d’écrire...?
Des chansons... qui donneront un album, j’espère !
Ce qu’on connaît de toi, c’est cette ambiance piano électro, cette voix feutrée, ce chant lexical assez sombre... Pourtant, on ne ressort jamais avec de la tristesse de tes chansons. Est-ce que c’est ça la « mélancolie heureuse » ?
La mélancolie heureuse, c’est avoir conscience que tout est éphémère. Ça veut dire qu’il faut donner de la saveur et de la préciosité à ce qu’on vit. Quand tu as conscience que tout à une fin, tu savoures vachement. J’aime les harmonies mineures et elles sont assimilées trop souvent à de la tristesse. Alors j’ai essayé de contraster : des textes très festifs et des prod’ mineures, et des textes plus mélancoliques dans lesquels j’ai mis du soleil et des sourires. Donc si c’est le sentiment que tu as eu, c’est cool !
C’est en savourant chaque moment qu’on devient un bon « ramasseur de souvenirs » (Vers les ourses polaires) ?
Un ramasseur de souvenirs, c’est quelqu’un qui prend le temps de regarder. Je n’imagine pas le souvenir comme quelque chose de tragique. Je le vois comme ces moments éphémères mais hyper heureux, que tu accumules. La vie c’est ça : tu accumules des souvenirs et à la fin tu vois tes grands parents, les valises sous les yeux, un souvenir à chaque ride. Il faut les ramasser dans un sac et les embarquer avec soi. Et surtout ne pas de les lâcher.
Tu as collaboré avec pas mal d’artistes. Est-ce qu’il y a une rencontre qui t’a marqué ?
Toutes les rencontres sont marquantes. Mais je n’ai pas ce truc de fanatisme vis à vis des gens connus. On commence tous dans un couffin et on finit tous dans un corbillard ! Véronique Sanson est une femme hors du commun, à la fois une élégante et puissante. Puis je me suis fait des copains : Juliette Armanet, Gaël Faye, Louane... qui sont des personnes délicieuses. C’est agréable de rencontrer des artistes talentueux, d’horizons différents et de ne pas être snob.
D’ailleurs, je crois que certains viendront partager la scène de la salle Pleyel avec toi. Que nous réserves-tu ? Pourquoi faut-il venir ?
Il faut venir parce que je suis bon sur scène ! (rire) Je crois que je communique le fait d’aimer profondément être là. Il faut venir parce que ce sera la dernière de la tournée, donc ça va être une grosse teuf ! Il faut venir parce qu’en effet, il aura des copains sur scène : Louane, Pavane, Alexandre Tharaud, Synapson… Je vais jouer plus d’une vingtaine de morceaux et ils vont m’aider à occuper cet endroit somptueux.