21 ans, une voix de soul brother, des riffs rageurs, un premier disque coup de poing, Homemade Lemonade (Sony BMG). Qu’il joue du Wurlitzer ou de la guitare, le groove maker franco-canadien souffle un vent nouveau sur le rock des seventies, les cadences au carré du rythme’n’blues et les fièvres soul. Cet artiste n’a pas d’âge, ou alors une souplesse de contorsionniste, pour réussir à faire le grand écart avec tant de facilité et de brio entre les époques et les répertoires, magnifiant et dépoussiérant ces sons malheureusement révolus. Pas question de verser dans le prétexte électro et les bidouillages 2.0, pas de posture, cette Limonade faite maison n’utilise aucune recette du moment. Theo pratique plus volontiers les flashbacks, courant les productions des célèbres studios d’Alabama, Fame puis Muscle Shoals, ou encore ceux de la Stax, pour des retours vers le futur. Dans la tracklist personnelle de Theo, on retrouve du lourd (Willie Nelson, Neil Young, les Ramones, Ray Charles, Aretha Franklin), du détonant (Don Cavalli, Alabama Shakes) et de l’exotique (musique thaïlandaise et cambodgienne des années 60). A huit ans, première claque en écoutant l’hymne "Elephant" des White Stripes. A 14 ans, il trouve cet étrange titre, Homemade Lemonade, et se jure de le reprendre pour intituler son premier album. A 21, il sabre le champagne et les tord-boyaux bien tourbés. Avec son gang de fines gâchettes (Thibault Lecocq à la batterie, Nevil Bernard aux claviers, Louis Marin Renaud à la guitare et Olivier Viscat à la basse), le jeune songwriter s’est enfermé au mythique studio Black Box pour coucher sur bandes dix titres bâtons de TNT, avec, derrière la console, Peter Deimel. Roots et vintage à souhait, suintant les plaines poussiéreuses du Delta blues et les volutes rock psychédélique, les six-cordes sont cinglantes, résolument électriques, via des déluges de disto et chauffées au son early seventies ("Heaven to Me", "My Sunshine is Dead"). Parfois, Lawrence lorgne les farces sixties, comme quand il marie douze cordes country et sirènes de Farfisa ("A House but not a Home"), pour des jeux de bassins jubilatoires. Au détour de certaines lignes de chant, on jurerait entendre un échos d’Elvis ("Count me in Tomorrow"), comme si le King passait le témoin au kid de Gentilly. Il y a aussi des gospel à gogo ("Who was I") et même une complainte chinoise ("Shanghai Lady"), comme quoi tous les chemins mènent au rock. Sans oublier les escales en forme d’hommages du jeune songwriter, notamment à Clarksdale, Mississippi, dans une chambre de l’hôtel Riverside, autrefois occupée par Muddy Waters, pour écrire la ballade en apesanteur "My Sunshine is Dead". Authentique diraient les rappeurs. Pourri de talent et de tripes rajouteraient les cousins acadiens.
11/04/2018 – Les Etoiles Paris 10