Le leader du groupe Assassin, pionnier de la scène Rap française, n'a jamais eu sa langue dans sa poche. Electron libre du mouvement Hiphop, tant par sa musique puisant dans tous les répertoires que par ses prises de position, l'auteur de la trilogie Confessions d'un enfant du siècle, revient sur ses premiers coups de bombes.
Comment as-tu rencontré l’équipe d’Anyway ?
J’ai créé il y a quatre ans le Planeta Ginga Film Festival, un festival de Film et des Arts dans les favelas de Rio de Janeiro, avec mon associé Freddy Vitorino. C’est à travers lui, qui est un de leurs proches, que je les ai rencontrés. Quand j’ai vu la qualité de leur travail, j’ai tout de suite percuté. J’ai collaboré sur un projet de t-shirt avec Grems pour le merchandising officiel du groupe Assassin.
En tant que graffeur, tu as fait partie du célèbre crew parisen Crime Time Kings. Qu’est-ce qui te plaisait dans cette discipline et dans cet univers ? Aujourd’hui, réalises-tu encore des peintures ?
Le graffiti m’a permis de découvrir ma ville à la manière d’un explorateur. Paris n’avait plus aucun recoin que je ne connaissais pas. Cela m’a permis aussi de trouver une occupation pour lutter contre ma solitude, je me suis intéressé à la culture Hiphop et à toutes ses influences. J’ai grandi entouré de Bando, Colt, Mode 2, Sign ou Boxer (décédé en 1994, ndlr). C’est grâce aux graffitis que j’ai compris qui étaient Keith Harring, Basquiat, Futura 2000, Seen, Dondi, et ça m’a fait basculer sur les travaux classiques de Claude Monet, Léonard de Vinci, ou d’archi-tectes tel Oscar Niemeyer. Je suis un enfant de la génération Strange, il était totalement normal que je devienne un super-héros, le graffiti y a beaucoup contribué (rire) !
J’ai lu que Colt avait réalisé le logo d’Assassin. Que penses-tu de ce lettrage qui t’accompagne depuis des années ? As-tu déjà eu envie de changer de signature graphique ?
Le premier logo d’Assassin que nous avons diffusé avait été réalisé par Bando, pour le concert d’Assassin le 3 mars 1991 à la Cigale, car j’attendais celui de Colt depuis des mois (rire). Quand il l’a vu, il l’a taillé direct, mais je lui ai dit : "Au moins, Bando me l’a fait !". Le lendemain, il avait pondu la masterpiece que vous connaissez tous ! Grâce à la puissance de son tracé et à la teneur de la carrière du groupe, ce logo est devenu intemporel. Mais combien de logos super bien travaillés tombent dans l’oubli quand la marque qu’ils représentent s’efface avec eux ? Pas celui d’Assassin, tout comme ceux du Wu-Tang ou de Public Enemy.
L’univers du graffiti a beaucoup évolué en plus de trente ans. Il s’est pas mal démocratisé, les galeries draguent désormais les anciens artistes vandales. Que penses-tu de ce changement de mentalité ?
A l’époque où je suis entré dans le graffiti, vers 1983, à New York, les galeries s’intéressaient déjà à l’art urbain et spécialement aux graffeurs des métros new - yorkais. Donc, depuis mon plus jeune âge, j’ai eu ces références de crossover du graff de la rue au monde des galeries d’art ; je savais qu’en Europe, ça allait être la même chose avec quinze ans de retard. Rien ne m’a étonné quand c’est arrivé ; je dirais même que c’est bien que ça se passe de la sorte tout en restant dans la rue. C’est exactement ce qui se passe aujourd’hui : tu remarqueras que des artistes comme Jonone, Os Gemeos ou Doze Green sont mondialement connus, mais les villes de São Paulo, New York ou Paris sont toujours autant massacrées.
Un mot sur la scène Street Art de Rio, où tu résides. Quel regard portes-tu sur les artistes locaux ?
Là où je vis le plus la scène Street Art, c’est à São Paulo avec le mouvement des Pixadores (1). C’est un vrai terrain de créativité avec les racines du mouvement toujours présentes, le pourquoi on écrit dans la rue : se faire reconnaître car personne ne nous calcule. Ils ont poussé le délire plus loin que n’importe quelle ville au monde. Ils sont la crème de la crème du vandalisme urbain à mes yeux.
As-tu une anecdote sur tes années graffiti ?
La dernière fois que je me suis fait serrer pour un tag, c’était en 2001 à New York, en plein hiver et sous un mètre de neige ! (rire) Ça m’a valu deux jours de garde-à-vue à Downtown Central et plusieurs jours de community service. Je raconte cette anecdote dans mon prochain livre Chronique d’une formule annoncée, qui retrace en photo mon parcours de 1983 à 2017 et qui sortira, je l’espère, à Noël prochain.
Site de Rockin Squat : www.livinastro5000.com
Note
(1) Graffeurs acrobates, les Pixadores montent toujours plus haut pour massacrer les gratte-ciel paulistes, parfois au péril de leur vie. Leur style, appelé pixação, s’inspire de l’écriture runique et tourne autour des lettres triangulaires noires.