Cela fait dix ans qu’ils méprisaient le projet dans un coin de la tête. Définitivement bien faite, à l’écoute des ses pièces captivantes. Les deux cerveaux en question sont ceux du guitariste Samuel Strouk et du violoncelliste François Salque, qui se sont adjoints les précieux services du guitariste Adrien Moignard et du contrebassiste Jérémie Arranger. A ma gauche donc, une approche de la musique de chambre, à ma droite, deux plumes du gypsy jazz, pour un quatuor à cordes de dingos. L’originalité de cet album éponyme et bien nommé réside dans la mise en avant, le jaillissement, du violoncelle, cet instrument à cordes frottées qui le dispute aux trois instruments à cordes pincées (deux guitares, une contrebasse jouée aux doigts). Comme le dit Samuel Strouk : "Quand tu verses une goutte d’huile dans un verre d’eau : celle-ci ne se diluera pas dans le liquide." Un peu de physique élémentaire pour un disque physique, qui prend aux tripes. Tout au long de ces délicates complaintes ("Lhassa") et des folles cavalcades (le sublime "Rythme futur" de Django, avec un cello un rien outlaw, puissant et délicieusement inquiétant), l’archet met dans le mille, magnifié par les accompagnements et les ornementations des compères cordistes. Résolument sensibles, organiques, ces cordes lacèrent, lézardent, griffent, mais aussi lovent, caressent, consolent. Les virtuoses s’effacent, les magiciens osent. Au final, des sauts de cordes qui sautent allègrement les frontières et les époques, passant de Django à Mendelssohn, du jazz à la musique de chambre, du tango au yiddish. Coup de cœur.
20/05/2019 – Le Café de la Danse Paris 11