Il monte sur scène à reculons. "J'adore les concerts, mais ils me rendent jaloux. En fait, je n'ai pas du tout envie de partager ma musique, avec laquelle j'entretiens une relation très intense, avec une foule d'inconnus, souvent bruyants et bourrés. C'est comme assister à une orgie avec sa femme", confiait-il au Point lors de la sortie de son deuxième album, le sublime Birthdays (2013). C'est peu dire qu'assister à un concert de Keaton Henson n'est pas une franche poilade. Il sera plutôt question d'introspection, de chuter en compagnie du songwriter londonien, de ses folks songs neurasthéniques aux dentelles de guitare mélancoliques. Cordes très sensibles. Le brun ténébreux qui se cache derrière sa barbe, chanteur en creux et à "la voix trop frêle", poète des plongées en apnée, en proie aux crises de panique, ne transige pas avec sa musique-médecine. Fan de Loudon Wainwright III (le père de Martha et de Rufus) et de Jeff Buckley, Keaton Henson quitte régulièrement le monde des hommes pour trouver un peu de souffle dans ses projets audacieux - il a composé l'ouverture d'un ballet inspiré de Vivaldi, écrit un recueil de poésie et s'est essayé à la musique électronique (Behaving, 2015). Il court, Keaton, tout en marchant, en recherche constante d'équilibre, à la manière d'un autre colosse aux pieds d'argile, Nick Drake. Orchestration minimaliste, voix susurée, au tout dernier plan, ses dernières de studio (et/ou thérapeutiques) ont accouché d'un album au romantisme sombre, Kindly Now (PIAS), compilation de ballades au bord du gouffre et de complaintes à fleur de peau. Keaton ne va pas mieux, et c'est tant mieux.
23/10/2016 – Le Café de la Danse Paris 11