"Les Primitifs ? Ce n'est pas une musique de fusion, mais de rassemblement."
Mars Attack ? Non, fièvres "world musette" en février, avec le nouvel alunissage des ovnis parisiens au Studio de l'Ermitage. Autour de Dominique Cravic et sa fine bande de musiciens futuristes - Daniel Colin, Fay Lovsky, Daniel Huck, Mathilde Febrer, Jean-Philippe Viret, Claire Elzière, Jean-Michel Davis et leurs nombreux invités -, ça va guincher sévère aux rythmes de valses endiablées, à contretemps des modes actuelles.
Valses hindoue et chinoise, rumba manouche, "rag-à-meuf", java viennoise et zoo blues
Prenant à contre-pied la world music des années 80/90, les Primitifs du Futur ont choisi de valoriser les terroirs en les enrichissant des couleurs du monde entier. "L'accordéon a été balayé par les Yéyés à partir des années 60, et avec lui tout un pan de la culture musicale française, tel le musette etc. Nous voulions lui rendre ses lettres de noblesse et le faire passer dans le futur", résume Dominique Cravic, le "cerveau" des Primitifs. "Sorte de tour de Babel", réunion de joyeux musiciens-musicologues, orchestre iconoclaste d'accordéon, guitare, oud, violon, banjo, ukulélé, scie musicale et thérémine (un étrange boîtier électronique), les Primitifs ne le sont définitivement pas. Futuristes, sans nul doute. A leur tableau de chasse : valses hindoue et chinoise, rumba manouche, biguine et rag-à-meuf, java viennoise et zoo blues... "Ce n'est pas une musique de fusion, mais de rassemblement". Un bal-bazar, durant lequel ça swingue tous azimuts dans les musiques populaires européennes et américaines, à l'image de la frénétique valse de "La Femme Panthère et l'Homme Sandwich". Papy peut sortir le nez de son vieux musette, il est devenu global et résolument tribal (du nom de leur dernier album, sorti en 2008).
Difficile de tirer le portrait-robot de ces collectionneurs de sons, qui ont sorti leur premier album Cocktail d'Amour en 1986 (réédité par Frémeaux en 2013). Au milieu des années 80, un petit noyau de musiciens se retrouvent régulièrement à l'Utopia pour des jams pour le moins colorées. Il y a là le compère guitariste Didier Roussin (disparu en 1996), les accordéonistes Florence Dionneau et Daniel Colin, le roi du "ruine-babines" Jean-Jacques Milteau, le saxophoniste-clarinettiste Daniel Huck, mais aussi le dessinateur passionné de banjo et de mandoline Robert Crumb. "C'était une sorte de conjonction entre deux mondes, la musique "trad" et le jazz-blues", se rappelle Dominique Cravic. "Nous sommes un orchestre à géométrie variable, une mosaïque de musiciens. Un jour, j'ai dressé la liste des artistes qui ont participé aux Primitifs, et qui font donc partie de la "raya" ; j'ai listé une centaine de cent noms, avec comme dénominateur commun, des gens de culture qui ont des sacs à ouvrir..." Sur l'album Tribal Musette, place à une armée pas si mexicaine que ça de 52 musiciens !
Soirée puzzle
En trente ans, les Primitifs n'ont sorti que quatre albums, tous ayant fait date, et partagé quelques moments mémorables, comme le duo entre Juliette et Christophe sur "Ramona", avec Olivia Ruiz en invitée les yeux grand ouverts, mais aussi tous les moments partagés avec la bande de gâchettes western swing, Sanseverino, Hervé Legeay etc. Les Primitifs jouent les prolongations ? Non, c'est un véritable retour, en force et en forme, "nous nous sommes fait rajeunir le sang à la même clinique que les Rolling Stones". Une nouvelle valse, donc : "Cela fait deux-trois ans que des organisateurs américains, très friands de notre concept "world musette", souhaitent nous réinviter. Sur place, nous tournons aussi bien sur de grandes scènes que dans des cafés-concerts, comme le Barbès à Brooklyn, un club très prisé et côtoyé aussi bien par des personnalités comme la fille de Paul Auster que des riverains. Le concert au Studio de l'Ermitage est donc le point de départ d'une tournée internationale en 2017."
Quels mezzés au menu ? "Ce sera une soirée puzzle autour des couleurs du Maghreb, de la chanson française, du swing manouche, une plongée dans le jazz et le blues des années 20, de la chanson aussi avec des hommages à Allain Leprest et notre ami Pierre Barouh (disparu le 28 décembre, ndlr)", résume Dominique Cravic. Un festin façon Primitifs.