Un cortège de Maracatu dans les rues de Paris ? Pas plus surprenant que de mettre des crevettes dans un jambon beurre. Telle est la recette épicée du Camarão Orkestra ("Orchestre Crevette" en portugais), un big band de blancs-à-bec, qui propose dans son premier album éponyme un mélange de jazz, funk, afrobeat et de rythmes traditionnels brésiliens. Entre soufflantes de cuivres, percussions tribales, transes de candomblé et clins d'œil à la soul de la Great Black Music, le combo mené par le trompettiste et leader Paul Bouclier (plus connu comme membre de groupe d'éthio-jazz Akalé Wubé) nous embarque dans un voyage spatio-temporel, sans décoller du pays de la samba, du choro et de l'Afoxé. Une odyssée auriverde.
Pourtant, c’est dans le quartier de Strasbourg-St Denis que le groupe s’est formé en 2008. Ils sont onze sur scène, une équipe de dribbleurs fous et de pattes pas si gauches pour s'attaquer à la bande-son de la Seleção. Il leur aura fallu huit ans de maturation pour proposer ce premier disque, pour affiner le discours et ne pas jouer les touristes cramoisis. Pas question de singer le répertoire traditionnel : au fil des compositions et de deux reprises ("Berimbão" de Baden Powell/Vinícius de Moraes et "Arrastão" d'Edu Lobo), le crew des crevettes dépoussière les codes cariocas, du Nordeste et du reste du Brésil de manière audacieuse. Dès les premières notes, on imagine des danseurs de Capoeira torse nu sur la plage de Copacabana. Jeux de mains, jeux de bassins. Mais lorsque les guitares électriques, les wah-wah et la trompette free-jazz débarquent, Jimi Hendrix et Miles Davis prennent le pas sur la samba. Les voix charnelles, sensuelles, d’Amanda Roldan et d’Agathe Iracema calment le jeu et le tempo pour des slows alanguis. Biberons made in Brazil, énergies (ré)novatrices... Balèzes les Crevettes !
Camarão Orkestra (Clapson Records/L'Autre Distribution)